Luís António Cardoso da Fonseca Mail: luiscardosofonseca@hotmail.com

domingo, 5 de agosto de 2007

La bêtise

Ne berçons pas le lecteur d’illusions : la bêtise ne sort pas grandie de ce dossier. Qu’il s’agisse de littérature, de philosophie ou de politique, elle apparaît égale à elle-même. Monstre désolant, sournois, implacable, qui ligote les esprits et les entraîne vers les abysses. Le règne de la bêtise commence avec la mort de Dieu et de ses anges, quand l’Histoire et l’opinion publique s’emparent du monde. Exit l’idiot et le fou. Place aux bêtes et aux brutes, aux demeurés et aux stupides, aux imbéciles des plaines et aux crétins des montagnes. Ce n’est pas un retour vers le Moyen Âge mais bien une plongée dans l’âge moderne, dont Tocqueville fut le premier à pressentir les périls. Le pouvoir démocratique, prophétisait-il, « ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger ». Tout est en ordre pour que la bêtise triomphe et devienne, confite dans ses torpeurs, ses ruses et sa bouffonnerie, l’obsession des romanciers. Flaubert en fit son ennemi préféré, et chercha à la museler. « Nous ne souffrons que d’une chose : la Bêtise, confiait-il à George Sand. Mais elle est formidable et universelle. » Tel le monstre blanc poursuivi par Achab, la Bête, qu’il avait traquée à travers son œuvre entière, lui échappa. Le Dictionnaire des idées reçues devait servir de fosse commune à toutes les conneries enfantées par l’humanité. Las. Ce travail d’ensevelissement demeura inachevé, comme si la bêtise était un sujet trop vaste et proliférant pour pouvoir être ainsi contenu. D’autres, après Flaubert, ont rêvé d’un catalogue qui engrangerait toutes les inepties, propos inutiles et dilatoires, âneries et bourdes encombrant ce bas monde. Ambition titanesque, tant les ruses et les visages de la bêtise sont multiples. Elle procède par métastases, jeux de miroir, mises en abyme. Elle est prodigieusement bavarde, et quasi intarissable quand elle parle d’elle-même. Tout comme le néant télévisuel, qui procède par le même jeu de répétitions et de montages narcissiques pour mener le plus grand nombre à l’abrutissement, la bêtise aime s’autocélébrer. « Dans le gros con, tout est bon », assène l’un des imbéciles anonymes dont Jean-Marie Gourio s’est fait le fidèle rapporteur dans ses Brèves de comptoir. Et encore : « Quand tu as une vie de con, faut surtout pas être intelligent, tu souffres plus. » Ou : « La connerie, c’est que la partie immergée de l’iceberg. En dessous, on voit pas ce que tu penses. » On aimerait citer, jusqu’à plus soif, car la bêtise ainsi ingurgitée par petits verres est comme le chant des sirènes, elle fascine et pétrifie. Laissons-la donc étaler sa suffisance dans un long cortège de propos de comptoirs, de lieux communs, de blagues éculées. Et faute de pouvoir la faire crever, prenons le parti d’en rire.

Une histoire bête, Par Jean-Louis Hue

Le Magazine littéraire, n°466. Juillet-août 2007

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